Nous en parlons depuis quelques mois : Barnabé l'Epicier devrait voir une nouvelle épicerie ouvrir à Tourouvre-au-Perche. Même si cette nouvelle page n'écrit aujourd'hui que ses premières lignes, et même si l'ouverture n'est pas encore à l'ordre du jour, nous tenions à vous partager les origines du projet, et aussi, parce que rien n'est linéaire, ses méandres.
En juillet 2014, peu après la création de l’association porteuse du projet d’épicerie de centre-village, et 10 mois avant l’ouverture de Barnabé l’épicier à Longny au Perche, voici ce qu’indiquait le modèle économique tel qu’il avait été diffusé auprès des partenaires potentiels : banques, Région (basse) Normandie, (basse) Normandie-Active…
« Ce projet a plusieurs ambitions. Celle, bien sûr de créer une offre commerciale à Longny au Perche,
Offre qui devra vivre dans les conditions d'un équilibre financier, nécessaire à la pérennité de l'activité.
Au-delà de cela, la création d'emplois, l'animation de la vie locale, le développement de la relation avec les agriculteurs locaux, l'amélioration de l'environnement sont des éléments clefs à privilégier.
Si une telle expérience devient un succès, elle pourrait permettre de valider un concept qui ne nécessite pas des investissements élevés et donc pas le recours à des ressources importantes et coûteuses. L'idée d'une réplique dans des zones rurales proches puis plus éloignées reste aujourd'hui du domaine du rêve éloigné, mais ... »
Au fil du temps, des échanges et un partage de réflexions ont eu lieu, permettant à des créateurs et créatrices de parfaire leur projet et de se lancer dans l’aventure de la création d’un commerce alimentaire de proximité en zone rurale.
En 2018, une planète assez semblable à celle qui abrite Barnabé a été découverte :
Un même environnement rural,
une taille de bourg comparable à celle de Longny-au-Perche,
une zone d’attractivité (chalandise) comparable, avec des résidents principaux et secondaires ("accourus"),
plus d’épicerie de centre-village.
(Photo du bâtiment en 2010)
Bref, des paramètres qui permettaient de penser qu’une implantation pouvait y être tentée, forte de l’expérience acquise à Longny.
Un premier contact informel a été alors pris avec l’équipe municipale de Tourouvre, propriétaire d’un petit espace commercial inoccupé de centre village, certes pas aux normes d’accueil de personnes à mobilité réduite, certes ne répondant pas aux critères d’exploitation d’un commerce moderne, mais rien de rédhibitoire dès lors qu’une volonté commune de partenariat prenait corps. Mais un permis de construire assorti de travaux notamment liés à la séparation du commerce et d’un logement attenant et la réhabilitation complète de ce dernier devenait nécessaire. Le conseil des maires (les dix maires délégués de la commune nouvelle de Tourouvre au Perche ont statué sur le principe avant que formellement le conseil municipal ne s’exprime.
Le mille-feuille
Le maire de Tourouvre, début 2019, très désireux d’animer son village, a manifesté son ambition de voir l’ouverture se faire dans les 12 mois suivants la décision d’aller de l’avant. Fin 2019, l’ouverture pourrait se faire, mais :
La demande de permis de construire à un peu tardé à être lancée,
l’architecte des bâtiments de France a posé des questions (proximité de l’église classée),
le cahier des spécifications pour les entreprises (appel d’offre) a été envoyé avec un petit délai.
Et le temps passait, tant et si bien que fin janvier 2020, l’équipe municipale a préféré attendre les élections toute proches, en mars tout serait remis en ordre…
Est arrivée la pandémie qui a reculé de plusieurs mois « l’installation du nouveau conseil ».
Le nouveau conseil, légitimement a souhaité prendre connaissance du dossier, l’ensemble des travaux, reconnaître les lieux, l’emplacement du commerce et surtout le logement, se montrant conséquent.
Avec plusieurs mois de retard, les informations nécessaires aux réponses aux appels d’offre ont enfin pu partir.
Des demandes de subvention, nécessaires pour des projets de ce type afin de ne pas trop grever les finances communales, ont dû être faites.
Puis nouveau contretemps, l’appel d’offre a été partiellement infructueux, certains artisans n’ayant pas correctement répondu (beaucoup trop cher ou ne correspondant pas à la demande).
Les réponses finales sont arrivées en septembre et le conseil municipal a enfin pu être saisi en octobre. Il faut savoir être patients.
Les leçons de la première expérience
Le principe de l’essaimage, de la réplique, repose sur l’utilisation d’une expérience – réussie évidemment… - pour reproduire, dupliquer. Tout comme le développement en franchise, qui repose sur des expériences en direct avant de confier à des indépendants les clefs de la réussite, qui tiennent d’un savoir-faire éprouvé.
Dans le cadre de l’Economie Sociale et Solidaire, les facteurs clefs de succès propres à l’économie libérale classique s’appliquent. Certes la gouvernance est différente et la lucrativité sera limitée, mais sinon tout est comparable.
Ainsi et pour l’expérience Barnabé l’épicerie (épicerie associative), qu’ont apporté ces 5 ans de recul ?
La vérification d’un modèle économique solide assis sur la création de valeurs certes financières mais également extra-financières par :
Un CA et une rentabilité qui créent l’équilibre.
Une clientèle solide et fidèle.
La possibilité de faire vivre une unité commerciale en créant deux emplois stables.
Une relation développée avec les producteurs locaux, en circuit de proximité, court ou via un intermédiaire.
Une affirmation acceptée de valeurs environnementales (bio et proximité).
La possibilité de s’adapter : offre vrac notamment, agencement au fil du temps.
Plus récemment faire passer et vivre l’idée de solidarité (Banque alimentaire)
Mais :
La difficulté de sensibiliser les collectivités locales et donc de créer un esprit de cohésion est une réalité observée. Cela semble vouloir être différent dans l’aventure qui s’annonce à Tourouvre au Perche.
Rassembler et créer une véritable gouvernance de bénévoles associatifs impliqués est une gageure. Le « corps » de bénévoles disponible est limité, notamment dans les zones rurales peu denses, ce qui fait que l’implication d’adhérents – disposant d’expertises – dans de nombreuses autres activités et associations les rend peu disponibles. L’objectif autour de la future implantation est de réunir des bénévoles locaux présents dans la gouvernance et plus loin, dans une forme coopérative, développer compétences et implication de salariés.
L’accueil, être un lieu de partage et d’échanges autour d’un café et de quelques livres n’a pu se réaliser faute de place. Cette valeur est au cœur du projet futur.
A suivre… Un projet concrètement ne se rêve pas, comment va-t-il se mettre en place?
(Petite mise en perspective avec la nouvelle charte graphique)
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